Shoah: « Le Journal d’Helga », un journal sur une enfance passée dans les camps de concentration
Helga Weiss a été envoyée dans quatre camps de concentration nazis avec sa mère. Comme Anne Frank, elle a tenu un journal. Ce n’est que maintenant qu’il est publié.
En 1944, Helga Weiss finit par accepter l’idée de mourir – mais à une condition importante. Elle n’avait que 14 ans et n’avait jamais été très religieuse, mais alors qu’elle était dans une file d’attente à Auschwitz, elle priait.
Helga est l’un des 100 enfants qui ont survécu à Auschwitz sur les 15.000 envoyés au camp de concentration de Terezin, au nord de Prague. Au total, entre 1941 et 1945, elle et sa mère ont été envoyées dans quatre camps: Terezin, Auschwitz, Mauthausen et Freiberg.
Le premier était Terezín, où elles ont passé trois ans, dormi à deux ou trois dans un lit qui était vraiment trop petit pour une seule personne, avec peu pour se nourrir et pour se protéger du froid. «Nous n’avions qu’une couverture», explique Helga. « Mais nous nous couvrions avec nos manteaux. Nous étions ensemble et celé nous était d’une grande aide. »
Alors que la guerre était imminente, Helga avait huit ans et commençait à tenir un journal en mots et en images. Les premières pages rappellent la menace croissante nazie: les sirènes, les arrestations, l’expulsion d’enfants juifs des écoles publiques, les adultes – y compris son père – qui perdent leur emploi, l’étoile jaune qui devait être cousue sur les vêtements, etc. « C’était à cause de la situation politique », dit Helga, qu’elle est restée une enfant unique – une décision que son père a fait.
A 12 ans, on l’envoie à Terezin
En décembre 1941, peu de temps après le 12e anniversaire de Helga, les autorités sont venues pour toute la famille. Ils ont été envoyés à Terezin, également connu pendant la guerre par son nom allemand, Theresienstadt. Beaucoup d’oncles et de tantes d’Helga ont été envoyés là-bas aussi. Terezín était essentiellement un vaste camp pour servir de centre de transit pour des dizaines de milliers de juifs envoyés à Auschwitz et Treblinka.
Helga et sa mère n’avaient aucune idée de ce qui les attendait. Elles pensaient que la guerre serait bientôt finie. « Nous étions autorisés à avoir 50kg de bagages, donc nous avons pris nos vêtements et seulement quelque chose d’important pour nous. J’ai pris deux poupées très petites, des aquarelles et des crayons de couleur», dit-elle.
A Terezin, Otto, son père, a été envoyé à la caserne des hommes et Helga est restée avec sa mère. Plus tard, un Kinderheim – un foyer pour enfants – a été mis en place et même si elle avait peur de quitter Irena, Helga a emménagé dans une chambre avec des filles de son âge. Les conditions y étaient un peu meilleures et le groupe « essayait de rester humain et jeune», dit-elle. Elles organisaient des danses et fêtaient des anniversaires et les fêtes religieuses.
« Dessine ce que tu vois »
C’est ce que son père lui avait conseillé de faire. Et c’est ce qu’elle fit. Les images montrent des files d’attente pour la nourriture; une salle de bains basique, une fille malade de la tuberculose, la salle d’attente bondée dans la clinique d’urgence, des gens sur des civières, …
Un autre dessin marque l’anniversaire de son amie, Francka. Le dernier dessin est accompagné d’une note disant que Francka est morte à Auschwitz avant son 15e anniversaire.
Malgré les horreurs de Terezín – les rations de famine, les maladies, les insectes et les poux qui rampaient sur leurs visages – il y avait une vie culturelle florissante. Beaucoup de musiciens avaient récupéré clandestinement des instruments et un croquis montre des familles réunies autour d’un trio de violons donnant un concert dans un dortoir.
A Terezin, Helga a rencontré son premier petit ami, Ota, un étudiant orphelin et de la chimie. Il était dans la vingtaine, elle n’avait pas encore 15 ans. « C’était un amour semi enfantin», dit-elle. «Nous marchions ensemble et nous tenions la main … et je me souviens l’endroit exact de Terezin où nous nous sommes embrassés. » Elle rayonne. « Mais il ne s’est passé rien de plus qu’un baiser », précise-t-elle.
En septembre 1944, les Allemands ont annoncé que 5000 hommes seraient envoyés pour construire un nouveau ghetto. L’oncle d’Helga, Jindra serait dans le premier groupe, son père et Ota dans le second. Helga décrit le jour où son père est parti dans son journal, ses lèvres tremblotantes alors qu’il tentait de sourire, ses mains tremblantes quand il la tenait. Puis il avait disparu.
Départ pour Auschwitz, puis Freiberg… avant la libération
Trois jours plus tard, elle et Irena sont parties. Elles ont été déportées à Auschwitz, où elles rejoignirent la file d’attente: les femmes âgées et les mères avec de jeunes enfants à la gauche, celles jugées aptes à travailler vers la droite. Pour survivre, il était essentiel de se retrouver sur la file de droite. Les prisonniers qui connaissaient le sort qui les attendait sur la gauche murmurait des avertissements: «Ne dites pas que vous êtes trop jeune, ne dites pas que vous êtes malade, dites que vous êtes capable de travailler. Ne dites pas que vous êtes liées, que vous êtes la mère et l’enfant », se souvient Helga.
Elle se résolut de dire qu’elle avait plus de 14 ans, et sa mère faisait semblant d’être plus jeune. En fait, le SS n’a pas posé des questions et les envoya toutes les deux vers la droite. « Je ne sais pas si c’était la chance, le destin, un miracle, j’ai des amis qui sont encore vivants. Ils ont le même âge que moi… mais leurs mères ont été envoyées à gauche. Alors j’étais doublement chanceuse ».
« Nous sommes arrivés et j’ai vu cheminées fumantes ; nous avons pensé que c’était une usine », explique-t-elle.
D’autres prisonniers les ont éclairées : la fumée montait du crématoire du camp. On leur a demandé de se déshabiller et on leur rasa la tête. Helga n’a pas reconnu sa propre mère jusqu’à ce qu’elle entende sa voix.
Ces 10 jours à Auschwitz étaient pires que les trois années à Terezín, mais Helga soupçonne qu’elles étaient encore plus difficiles pour sa mère.
D’Auschwitz, elles ont été envoyées à Freiberg, un camp annexe du camp de concentration de Flossenbürg, où elles ont travaillé comme des esclaves pendant cinq mois, pour polir des pièces d’avion. Puis vint un transport de 16 jours par chemin de fer à Mauthausen en Autriche. Irena était si faible qu’elle pouvait à peine se tenir debout et toutes les deux souffraient d’engelures, de poux et d’une constante et ardente soif. Des rumeurs évoquaient la fin de la guerre et certaines femmes se sont échappées, mais Helga ne pouvait pas être certaine que sa mère était suffisamment en forme pour essayer. Pendant quatre jours, elles n’ont rien mangé, à part deux pommes de terre, la moitié d’une tasse de thé et deux cuillères à soupe de sucre.
Puis, elles furent informées que Berlin était tombé.
A Mauthausen, elles ne se sont pas nourries pendant cinq jours. Un seul jour de plus et la mère d’Helga n’aurait pas survécu. Quelques jours plus tard, le 5 mai 1945, le camp a été libéré par les forces alliées.
Elle et Irena sont rentrées à Prague et ont commencé à chercher Otto. Son nom ne figurait pas sur les listes d’inscription pour l’un des autres camps de Terezin.
Le journal a été publié comme elle l’a écrit dans les années 1940, trouvé au fond d’un tiroir. Dans le prologue de l’ouvrage, Helga explique que, bien que «l’écriture soit enfantine et le style naïf», elle sentait que des modifications rédactionnelles auraient affecté l’authenticité de l’histoire.
Irena n’a pas voulu que son mari, Otto soit déclaré mort, mais après un an, les certificats ont été émis. Helga croit que quelqu’un sait ce qui lui est arrivé mais ne veut pas leur dire.
Une deuxième génération affectée
Il n’était pas question que Helga et sa mère vivent séparées après la guerre. Irena est restée seule et quand Helga s’est mariée, son mari a partagé l’appartement avec elles. Irena a vécu jusqu’à l’âge de 84 ans. L’année dernière, la fille Helga a fait remarquer que Irena n’avait jamais souri. «Je n’y avais jamais pensé, mais peut-être que c’est le cas. Peut-être qu’elle n’avait aucune raison. »
L’héritage de la guerre a affecté ses enfants, dit-elle. Sa fille ne peut pas supporter d’entendre quoi que ce soit de laid, et son fils est «terriblement inquiet», dit-elle. « Quand je suis seul, je dois prendre contact avec lui deux fois par jour.«
Mais une de ses petites-filles a exploré ses racines juives et c’est probablement cette jeune génération qui profitera d’abord de l’extraordinaire journal de survie d’Helga.
Source : The Guardian
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